Cession de fonds de commerce « in bonis » : que faut-il savoir ?
La cession d’un fonds de commerce peut intervenir dans des contextes divers : parfois dans une situation de crise, via un redressement judiciaire ou une liquidation. Mais dans d’autres cas, l’entreprise est en bon état financier — c’est ce qu’on appelle la cession in bonis. Cet article explore les fondements juridiques, les atouts et les risques de cette forme de cession, ainsi que les bonnes pratiques pour réussir l’opération.
Qu’est-ce que la cession « in bonis » ?
Définition de « in bonis »
L’expression « in bonis » est une locution latine signifiant « en bonnes conditions » : en droit commercial, on l’emploie pour désigner une entreprise qui n’est pas en état de cessation de paiements, donc qui ne fait pas l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation). Autrement dit, la cession in bonis repose sur un transfert du fonds de commerce dans un contexte de fonctionnement normal, sans épée de Damoclès judiciaire.
Dans ce cadre, l’opération relève du droit commun des cessions de fonds de commerce.
Différence avec les cessions en procédure collective
En cas de procédure collective, la cession est soumise aux règles du plan de cession, aux interventions du tribunal, des créanciers, et des contraintes de passif. Lorsqu’une entreprise est en redressement ou liquidation, le repreneur doit faire une offre auprès du tribunal, accepter certains engagements, se plier à des contraintes de reprise de contrats, etc. (notamment transférer les contrats jugés « nécessaires au maintien de l’activité »).
En revanche, pour une cession in bonis, les parties jouissent d’une plus grande liberté contractuelle : elles peuvent négocier les conditions (prix, clauses, reprise du personnel) dans un contexte non encadré de procédure collective.
Mécanisme juridique de la cession in bonis
Conditions préalables et vérifications à mener
Avant d’engager une cession in bonis, il est essentiel de s’assurer que l’entreprise ne se trouve pas dans une situation de cessation de paiements — ce qui déclencherait une procédure collective. L’analyse des comptes, de la trésorerie, des engagements et des ratios financiers est cruciale.
L’acquéreur doit procéder à un audit (due diligence) approfondi : vérifier les bilans, les dettes, les contrats en cours, les risques latents, les garanties, la propriété du droit au bail, des licences, des marques, etc. Dans un audit d’entreprise in bonis, on porte une attention particulière à la notion de « période suspecte » : la période précédant une éventuelle ouverture de procédure collective, où certains actes peuvent être annulés ou remis en cause.
Rédaction de l’acte de cession et clauses usuelles
L’acte de cession doit comporter les mentions classiques : description du fonds (éléments corporels et incorporels), la clientèle, les équipements, les droits au bail, le chiffre d’affaires des trois dernières années, les passifs repris ou non, le prix, les modalités de paiement, les garanties d’actif et de passif, les conditions suspensives, les modalités de remise.
Dans le cadre in bonis, les parties sont libres d’inclure une clause de révision de prix, de garantie d’actif et de passif, de clause de non-concurrence, de clause d’earn-out (complément de prix lié à la performance), de clause de paiement progressif, etc.
L’acte peut prévoir la reprise d’une partie du personnel ou non selon négociation, mais dans un contexte in bonis la règle du transfert automatique des contrats de travail (article L. 1224-1 du Code du travail) s’applique (modifications, cession, vente d’entreprise).
Formalités, publicité et opposabilité
Pour que la cession soit opposable aux tiers, l’acte doit être publié dans un journal d’annonces légales et au BODACC (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales). Cela rend l’opération visible et permet aux créanciers éventuels d’opposer leurs droits.
Si le fonds de commerce est grevé de nantissements, privilèges ou hypothèques, il faudra régler les formalités de publicité des modifications de propriétaire ou de mainlevée.
Enfin, si la cession inclut le bail commercial, le bailleur doit donner son accord à la cession ou respecter les clauses du bail (clause d’agrément, interdiction de cession). En contexte in bonis, les clauses d’agrément ne sont pas automatiquement écartées comme dans les procédures collectives, elles peuvent entrer en jeu selon le contrat de bail.
Avantages, risques et enjeux de la cession in bonis
Avantages pour le cédant
Le cédant bénéficie d’une plus grande liberté dans la négociation du prix et des modalités. Il peut choisir l’acquéreur qu’il juge le plus qualifié, imposer des conditions de paiement, négocier des garanties.
La cession in bonis permet d’éviter la stigmatisation d’une situation de crise, de préserver la réputation, et de mieux valoriser le fonds, sans les contraintes d’un tribunal.
De plus, en conservant une structure juridique (par exemple la société), le cédant peut parfois orienter l’objet social vers d’autres activités ou gérer des réserves ou liquidités issues de la vente sans devoir liquider immédiatement. (Cette stratégie est d’ailleurs évoquée dans le contexte de cessions de fonds sans liquidation de la société)
Risques pour l’acquéreur
L’acquéreur doit assumer les risques liés à la situation réelle de l’entreprise : passifs cachés, litiges en cours, défauts de conformité, mauvaise tenue des comptes, contrats en cours fragiles ou difficilement transférables.
La notion de période suspecte est une zone de danger. Bien que dans un contexte in bonis, l’entreprise ne soit pas censée être en cessation de paiements, il peut y avoir un risque que la situation bascule peu après la cession. Certains actes réalisés juste avant une éventuelle faillite peuvent être remis en cause, dans une annulation pour fraude ou pour remise en cause de la période suspecte.
Un auditeur/investisseur doit se prémunir par des garanties financières (garantie d’actif et de passif, séquestre de prix, cautions, assurances) pour couvrir les éventuels redressements ou litiges postérieurs.
Enjeux pratiques et stratégiques
La cession in bonis est souvent plus rapide et moins coûteuse en formalités ou commissaires que les cessions en procédure collective. Elle permet une transition plus fluide de l’activité.
Toutefois, l’acheteur devra être particulièrement rigoureux dans la due diligence et la négociation des garanties.
De plus, dans un marché concurrentiel, une cession in bonis peut valoriser le fonds mieux qu’une reprise par tribunal, car l’acheteur peut offrir une meilleure vision de développement ou une plus grande souplesse.
Bonnes pratiques pour réussir une cession in bonis
Anticiper la transaction et préparer le fonds
Avant de lancer la cession, le cédant doit valoriser le fonds de manière crédible : maintenir une bonne tenue des comptes, régulariser les situations juridiques (contrats, licences, conformité), clarifier les droits au bail, vérifier les nantissements, identifier les engagements financiers.
Rebâtir un dossier solide (business plan, projections, audit) permet de rassurer l’acquéreur et de négocier un meilleur prix.
Sélectionner un acquéreur sérieux et structuré
Choisir un acquéreur ayant une capacité financière avérée, de l’expérience sectorielle, et disposé à assumer des garanties. Vérifier ses antécédents, son modèle de financement, ses projections d’exploitation.
Négocier des garanties adaptées
Insister pour obtenir des garanties d’actif et de passif, un séquestre de prix (retenue d’une partie du prix pendant une durée pour couvrir les aléas), des assurances, des mécanismes d’earn-out. Ces dispositifs permettent de sécuriser l’acheteur face aux incertitudes.
Maîtriser la procédure contractuelle et les formalités
Prendre soin de la rédaction de l’acte, de sa publication, de la mainlevée des sûretés, de la notification aux cocontractants (fournisseurs, bailleurs), du transfert des contrats utiles.
Pour le bail commercial, anticiper les négociations avec le bailleur (accord de cession ou agrément) pour éviter des blocages.
Accompagnement juridique et conseil fiscal
Faire appel à un avocat ou conseil spécialisé pour sécuriser l’opération, audit juridique, négociation, rédaction de garanties. Un bon montage fiscal (imposition du capital, plus-value, régime des droits d’enregistrement) est essentiel pour maximiser la rentabilité de la cession.
Conclusion
La cession de fonds de commerce in bonis est un mécanisme classique mais hautement stratégique pour transférer une activité en situation saine. Elle offre une plus grande marge de manœuvre juridique et contractuelle que les cessions en contexte de crise, tout en exigeant une rigueur accrue dans l’audit, la négociation des garanties et la formalisation de l’acte.
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