Bail commercial et Covid-19 : le locataire reste-t-il redevable de son loyer ?

Depuis 2020, la question des loyers commerciaux impayés pendant la crise sanitaire a alimenté un contentieux massif dans le domaine des baux commerciaux. Les locataires, privés d’accueil du public, ont tenté de s’exonérer de leurs loyers en invoquant divers fondements : force majeure, exception d’inexécution, imprévision, perte de la chose louée ou encore la bonne foi des parties.
La Cour de cassation, fidèle à une ligne constante depuis 2022, rappelle que le locataire reste tenu de payer ses loyers, même en période de fermeture administrative. L’arrêt du 7 mai 2025 (Cass. 3e civ., n°24-10.097) confirme cette position.

Les arguments avancés par les locataires pour échapper au paiement

L’exception d’inexécution

Certains preneurs ont soutenu que la fermeture administrative constituait un manquement du bailleur à son obligation de délivrance. Réponse de la Cour (30 juin 2022, n°21-19.889) : l’interdiction de recevoir du public, d’origine réglementaire et générale, n’est pas imputable au bailleur.

La force majeure

Les locataires ont aussi invoqué la force majeure, estimant l’impossibilité d’exploiter leur commerce irrésistible et extérieure. Réponse de la Cour (15 juin 2023, n°21-10.119) : la crise sanitaire ne dispense pas du paiement des loyers, qui est une obligation de somme d’argent insusceptible d’être neutralisée par la force majeure.

L’imprévision

Certains plaidaient un déséquilibre économique imprévisible rendant le contrat trop onéreux. La Cour a systématiquement refusé ce raisonnement, rappelant que le juge ne peut réécrire le contrat de bail en l’absence de disposition expresse (Conseil constitutionnel, 20 mai 2020).

La perte de la chose louée

Argument clé : l’interdiction de recevoir du public constituerait une perte de la chose louée (art. 1722 C. civ.).
Réponse ferme de la Cour (23 nov. 2022 et 7 mai 2025) : la fermeture est temporaire, générale et indépendante de la nature du localpas de perte.

La bonne foi contractuelle

Les locataires ont invoqué le principe de bonne foi pour exiger une adaptation du contrat.
Réponse (30 juin 2022, n°21-20.190) : la bonne foi du bailleur s’apprécie au cas par cas, mais n’exonère pas le preneur de son obligation principale : payer son loyer.

L’arrêt du 7 mai 2025 – confirmation de la jurisprudence constante

Les faits

Un locataire refusait de régler ses loyers « Covid » en invoquant la perte de la chose louée. La Cour de cassation rejette à nouveau cet argument : les mesures de fermeture ne privent pas définitivement le locataire de son bien, il conserve la jouissance du local.

Un arrêt non publié, mais sans surprise

La décision du 7 mai 2025 n’est pas publiée, la Haute juridiction estimant avoir déjà tranché la question à de multiples reprises. Elle s’inscrit dans une jurisprudence claire, constante et désormais bien ancrée.

Divergences passées et alignement des cours d’appel

En 2022, certaines cours d’appel (notamment Aix-en-Provence, 16 juin 2022) avaient adopté une lecture différente, parlant de « perte partielle de la chose louée ». Mais la Cour de cassation a rapidement mis fin à ces divergences, affirmant que l’interdiction administrative n’affecte pas l’objet du bail mais seulement son usage ponctuel.
Depuis, la plupart des juridictions du fond se sont alignées.

Conséquences pratiques pour bailleurs et locataires

Pour les bailleurs

  • Sécurité juridique renforcée : le bailleur peut exiger le paiement intégral des loyers échus pendant la période de fermeture.

  • Possibilité d’accorder des aménagements amiables (remises, échelonnements) mais sans obligation légale.

  • Limitation des risques de contentieux grâce à la jurisprudence consolidée.

Pour les locataires

  • Impossibilité de s’exonérer judiciairement du paiement des loyers Covid.

  • Importance de la négociation amiable en cas de difficultés économiques.

  • Prévoir à l’avenir des clauses d’adaptation ou de suspension en cas de force majeure lors de la rédaction ou du renouvellement du bail.

Conclusion – Une jurisprudence stabilisée au bénéfice de la sécurité juridique

L’arrêt du 7 mai 2025 n’ouvre pas de brèche : il confirme que le locataire reste tenu de ses loyers pendant la crise sanitaire, malgré les fermetures administratives.
Ce choix, parfois critiqué par les commerçants, repose sur un principe fondamental : le juge ne peut pas modifier la substance du contrat de bail.

Pour les bailleurs, la voie est désormais sécurisée. Pour les locataires, l’enjeu est de négocier, en amont, des clauses de sauvegarde contractuelles afin de se prémunir contre de futures crises.


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Foire aux questions sur le paiement des loyers Covid

Peut-on invoquer la force majeure pour ne pas payer son loyer commercial ?

Non. La Cour de cassation a jugé que le paiement d’un loyer est une obligation de somme d’argent, qui ne peut être suspendue par la force majeure. Ainsi, même si un commerce a été contraint de fermer temporairement en raison de la crise sanitaire, le locataire reste tenu au paiement de ses loyers.

L’exception d’inexécution permet-elle au locataire de ne pas payer son loyer ?

Non. L’interdiction de recevoir du public, décidée par l’État pour des raisons sanitaires, n’est pas considérée comme un manquement du bailleur à son obligation de délivrance. Le bailleur a bien mis le local à disposition, et son obligation n’est donc pas violée.

Qu’est-ce que la perte de la chose louée en droit des baux ?

Selon l’article 1722 du Code civil, si la chose louée est détruite totalement, le bail prend fin ; en cas de destruction partielle, le loyer peut être réduit. Or, la fermeture administrative d’un commerce est temporaire et n’affecte pas la substance du local. La Cour de cassation considère donc qu’il n’y a pas perte de la chose louée.

Le bailleur doit-il faire preuve de bonne foi pendant une crise ?

Oui, le bailleur est tenu d’agir de bonne foi dans l’exécution du bail. Cela peut se traduire par des propositions d’échelonnement ou de report des loyers. Toutefois, cette exigence de bonne foi ne supprime pas l’obligation du locataire de régler ses loyers.

Existe-t-il une possibilité de renégocier le bail en cas de crise exceptionnelle ?

En pratique, les locataires peuvent demander un aménagement ou une renégociation amiable avec leur bailleur. En revanche, le juge ne peut pas imposer une modification du bail sur le fondement de l’imprévision. Pour anticiper de futures crises, il est conseillé d’intégrer dans le contrat des clauses spécifiques de suspension ou d’adaptation des loyers.

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