Dépôt de garantie et bail commercial : ce que change la décision 20 novembre 2025
Le dépôt de garantie est un élément central lors de la signature d’un bail commercial : il vise à garantir l’exécution des obligations du preneur (paiement du loyer, réparations, restitution des locaux, etc.). Mais depuis la décision rendue par Cour de cassation le 20 novembre 2025 (n° 24-16.763), le mode de conservation du dépôt de garantie en cas de résiliation du bail a été profondément transformé. Autant pour les bailleurs que pour les locataires, cette évolution impose une attention renouvelée lors de la rédaction ou de la signature des contrats.
Le dépôt de garantie : sa fonction traditionnelle dans un bail commercial
À quoi sert le dépôt de garantie ?
Le dépôt de garantie constitue une somme versée au moment de la conclusion du bail. Il a pour but de sécuriser le bailleur face aux risques de manquements : loyers impayés, dégradations, réparations non effectuées, etc.
L’usage (et parfois la pratique contractuelle) conduit fréquemment à prévoir une somme équivalente à deux mois de loyer — voire plus — mais ce montant ne peut servir que comme garantie, pas comme sanction automatique.
Distinction entre garantie et sanction
Historiquement, certains baux commerciaux comportaient des clauses prévoyant que, en cas de résiliation (notamment pour manquement du locataire), le dépôt de garantie resterait acquis au bailleur “à titre d’indemnité”. Autrement dit, le dépôt de garantie était transformé en sanction pécuniaire. Cette pratique, favorable au bailleur, se révélait déséquilibrée, car elle lui permettait de garder une somme parfois très élevée sans qu’il soit nécessaire de démontrer un préjudice réel.
Ce que change l'arrêt du 20 novembre 2025
Qualification de la clause comme “clause pénale”
Par l’arrêt rendu le 20 novembre 2025, la Cour de cassation a clairement acté que les clauses prévoyant la conservation automatique du dépôt de garantie en cas de résiliation du bail sont désormais analysées comme des clauses pénales. En conséquence, elles ne jouissent plus d’un effet automatique : leur application peut être modulée par le juge.
Pouvoir modérateur du juge – contrôle de la proportionnalité
S’appuyant sur l’Article 1231-5 du Code civil (anciennement article 1152), la Cour rappelle que le juge a le pouvoir de réduire (ou d’augmenter) la pénalité contractuelle si elle apparaît « manifestement excessive ou dérisoire » par rapport au préjudice réellement subi. (Source : EUROJURIS FRANCE)
Dans l’affaire concernée, la somme retenue était de 18 402,96 €, pour un bail dont le loyer annuel s’élevait à 67 000 €. Aucun chiffrage du préjudice réel n’a été fourni. Les juges du fond avaient donc réduit la somme conservée à seulement 50 €. La Cour de cassation a confirmé cette décision.
Ainsi, la simple acquisition de la clause résolutoire ne suffit plus à justifier la confiscation totale du dépôt de garantie.
Une jurisprudence “défensive” pour le locataire
Cette décision marque un tournant salutaire pour les preneurs de bail commercial : elle limite le risque d’“enrichissement sans cause” pour le bailleur et rétablit un équilibre contractuel, en exigeant la démonstration d’un préjudice réel. Désormais, le dépôt de garantie doit retrouver sa fonction originelle — garantie, non sanction — sauf à ce que le bailleur prouve le préjudice qu’il entend compenser.
Quelles conséquences concrètes pour bailleurs et locataires ?
Pour un bailleur, cette évolution implique une vigilance accrue lors de la rédaction d’un bail commercial. Les clauses prévoyant la conservation automatique du dépôt de garantie doivent être formulées avec prudence. Si elles sont maintenues, il faudra être prêt à justifier — en cas de résiliation — les préjudices subis (loyers impayés, dégradations, travaux à réaliser, etc.). À défaut, le juge pourrait ramener la somme à un montant symbolique.
Pour le locataire, cette jurisprudence constitue un véritable garde-fou. En cas de résiliation du bail (notamment pour manquement), il est désormais possible de contester la confiscation du dépôt de garantie, surtout si le bailleur ne démontre pas de préjudice réel. Cela peut représenter un levier de négociation important, ou même une possibilité de récupération d’une large partie du dépôt versé.
Comment sécuriser un bail commercial dès sa rédaction ?
Dans la perspective d’un bail commercial, il est conseillé de prévoir une clause équilibrée concernant le dépôt de garantie :
préciser qu’il est destiné à garantir les obligations locatives (loyer, réparations, restitution), et non à sanctionner le preneur de façon automatique ;
prévoir une modalité d’imputation du dépôt de garantie (pertes, loyers impayés, réparations) sur la base d’un inventaire établi à la sortie, voire d’un état des lieux sortant ;
éviter les clauses laissant entendre une conservation automatique « quel que soit le motif de la résiliation » sans exigence de justification du préjudice — sous peine de requalification en clause pénale.
Ces précautions permettent d’offrir une sécurité juridique à la fois au bailleur et au preneur, dans le respect de l’équilibre contractuel réaffirmé par la jurisprudence récente.
Conséquences pour vos choix immobiliers
La décision rendue le 20 novembre 2025 par la Cour de cassation marque un tournant dans l’appréciation du dépôt de garantie en bail commercial : la confiscation automatique n’est plus la règle. Les clauses abusives peuvent être requalifiées en clause pénale et modulées par le juge, ce qui rétablit un équilibre entre les parties. En tant que bailleur ou futur locataire, il est désormais crucial de porter une attention particulière à la rédaction du bail et aux stipulations relatives au dépôt de garantie.
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