Signer un bail commercial avant la création de son entreprise : ce qu’il faut savoir en 2025

La question se pose fréquemment pour les créateurs d’entreprise : peut-on légalement signer un bail commercial si la société n’est pas encore immatriculée au Registre du commerce et des sociétés (RCS) ? Jusqu’à récemment, le droit français répondait avec rigueur : non, sauf à respecter un formalisme strict, sous peine de nullité absolue du bail. Mais une jurisprudence récente de la Cour de cassation, rendue en mai 2025, vient assouplir cette position, à condition que la volonté commune des parties soit établie.

Le cadre général : société en formation et personnalité juridique

Une société en cours de formation est une entité juridique non encore immatriculée, donc dépourvue de personnalité morale. Elle ne peut donc valablement conclure un contrat en son nom, sauf à ce que l’acte soit expressément régularisé « au nom et pour le compte de la société en formation .Jusqu’en 2023, tout acte conclu par une société non encore immatriculée, sans cette mention précise, encourait la nullité absolue. Ce formalisme, protecteur, visait à garantir la clarté et la sécurité juridique des engagements.

Une évolution majeure : l’arrêt du 29 novembre 2023

La Cour de cassation a opéré un revirement jurisprudentiel important dans plusieurs arrêts rendus le 29 novembre 2023 (n°22-12.865, 22-18.295 et 22-21.623) . Désormais, la nullité du contrat n’est plus automatique si la société signataire n’est pas encore immatriculée, à condition que l’intention des parties soit de conclure l’acte pour le compte de la société en formation. Autrement dit, le formalisme est allégé, et le juge doit examiner :

  • Le contenu de l’acte lui-même (éléments intrinsèques) ;

  • Le contexte de sa signature (éléments extrinsèques) ;

  • Et déterminer si l’intention commune était bien de permettre la reprise de l’acte par la future société.

Confirmation de cette jurisprudence en 2025 : l’affaire du 28 mai

Dans un arrêt du 28 mai 2025 (Cass. Com., n°24-13.370), la Cour confirme cette nouvelle position. Les faits sont représentatifs :

  • Une SCI signe un bail commercial avec une « société commerciale en cours de création », représentée par sa future présidente.

  • Le bail précise que l’extrait Kbis devra être fourni dans les deux mois.

  • La société est effectivement immatriculée par la suite, mais elle tente ensuite d’annuler le bail pour vice de forme, en invoquant la nullité absolue.

La Cour de cassation rejette cet argument, considérant que la cour d’appel aurait dû rechercher si l’acte, pris dans son ensemble et son contexte, manifestait bien la volonté commune de conclure au nom de la société en formation.

Quelles conséquences pratiques pour les créateurs d’entreprise ?

1. Oui, il est possible de signer un bail avant l’immatriculation, mais sous conditions

Le bail peut être valablement conclu au nom de la société en formation, à condition qu’il soit ensuite repris par la société une fois immatriculée.
Il est donc essentiel de prévoir une clause de reprise dans le bail, ou au minimum :

  • De mentionner dans l’acte que le signataire agit pour le compte de la société en formation ;

  • D’identifier la société (forme juridique, dénomination, adresse prévue, objet social) ;

  • De s’engager à fournir le Kbis dans un délai défini (ex. : deux mois).

2. La reprise de l’acte est automatique à l’immatriculation, si l’intention est claire

Une fois la société immatriculée, elle est réputée avoir repris les engagements souscrits pour son compte, sauf clause contraire. La volonté commune des parties est le critère clé : même en cas de rédaction imparfaite, les juges rechercheront si la société avait vocation à reprendre l’acte.

3. En l’absence de volonté claire, le bail peut être annulé

Si rien ne permet d’établir que le contrat a été signé pour le compte de la future société, la nullité du bail peut être prononcée. Le créateur engage alors sa responsabilité personnelle, notamment pour le paiement des loyers, charges ou indemnités.

Les bonnes pratiques pour sécuriser un bail signé avant l’immatriculation

Pour éviter toute remise en cause du bail, voici les recommandations essentielles :

  • Rédiger une clause explicite dans le bail :
    « Le présent bail est conclu pour le compte de la société [dénomination prévue], en cours de formation, laquelle s’engage à le reprendre dès son immatriculation au RCS. »

  • Signer en tant que représentant de la société en formation (et non en nom propre) ;

  • Prévoir un engagement formel de reprise dans les statuts de la société ;

  • Informer clairement le bailleur du caractère provisoire de la signature ;

  • Conserver les preuves des échanges démontrant la commune intention (courriels, offres, projets d’acte).

Que risque-t-on si l’on signe un bail sans avoir créé l’entreprise ?

  • Annulation du bail si le contrat ne contient aucune mention de société en formation ;

  • Obligation de payer personnellement les loyers et charges ;

  • Absence de protection au titre du statut des baux commerciaux (droit au renouvellement, indemnité d’éviction...) ;

  • Complexité en cas de litige ou de résiliation anticipée.

En cas de doute : signer le bail après la création… ou le sécuriser par promesse

Pour certains projets, il est plus prudent de :

  • Signer une promesse de bail sous condition suspensive d’immatriculation ;

  • Obtenir une lettre d’intention du bailleur, pour réserver les locaux le temps de créer la société ;

  • Demander un délai de signature formelle dans le compromis ou le projet de bail.

La signature d’un bail commercial avant la création de la société est possible, mais elle exige une rigueur juridique renforcée. Grâce à la jurisprudence récente, la nullité absolue n’est plus automatique, mais la prudence reste de mise. Il est essentiel de documenter la volonté des parties, d’anticiper la reprise de l’acte par la société une fois immatriculée, et de se faire accompagner par un professionnel compétent. Vous souhaitez sécuriser un bail commercial avant l’immatriculation de votre entreprise ?

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