Le renouvellement du bail commercial : un enjeu stratégique pour la stabilité des commerces

Le renouvellement du bail commercial constitue un moment clé dans la vie d’un commerce. Il conditionne la pérennité de l’activité, la valorisation du fonds, et encadre juridiquement les relations entre le locataire et le bailleur. Pourtant, il reste souvent mal compris, notamment en ce qui concerne la distinction entre renouvellement formalisé et tacite prolongation. Alors que de nombreux baux signés en 2014 arrivent à échéance en 2025, il est crucial pour les commerçants, leurs conseils, et les investisseurs immobiliers de bien maîtriser le cadre légal applicable.

Fin du bail commercial : trois issues possibles

À l’échéance d’un bail commercial, trois scénarios sont possibles :

1. Congé avec offre de renouvellement à l’initiative du bailleur

Le bailleur peut notifier un congé avec offre de renouvellement au moins six mois avant l’échéance, par acte de commissaire de justice. Il peut y inclure une proposition de loyer révisée (généralement indexée sur l’ILC ou l’ILAT). Si cette formalité n’est pas respectée, le bail entre en tacite prolongation.

2. Demande de renouvellement par le locataire

Si le bailleur ne prend aucune initiative, le locataire peut demander lui-même le renouvellement du bail, par lettre recommandée avec AR ou acte extrajudiciaire. Ce droit peut être exercé :

  • Dans les six mois précédant l’échéance ;

  • Ou à tout moment pendant la tacite prolongation.

Le bailleur dispose alors de trois mois pour répondre, par acte extrajudiciaire.

3. Tacite prolongation : un statut incertain

En l’absence d’initiative de l’une ou l’autre partie, le bail se poursuit de plein droit, pour une durée indéterminée. Il s’agit de la tacite prolongation, distincte de la tacite reconduction (inapplicable aux baux commerciaux). Cette situation est souvent tolérée mais juridiquement instable, chaque partie pouvant y mettre fin à tout moment avec un préavis de six mois pour le dernier jour d’un trimestre civil.

Droit au renouvellement : conditions strictes d’accès

Le droit au renouvellement du bail commercial est protégé par l’article L. 145-8 du Code de commerce. Ce droit, bien que fondamental pour le locataire, n’est pas automatique. Il ne peut être invoqué que si quatre conditions cumulatives sont réunies à l’expiration du bail :

  1. Être titulaire du bail en tant que commerçant, artisan ou prestataire de services ;

  2. Être propriétaire du fonds de commerce exploité dans les lieux loués ;

  3. Être immatriculé au RCS (ou au Répertoire des Métiers) pour l’activité exercée ;

  4. Avoir exploité le fonds de manière effective pendant les trois années précédant l’échéance.

Des exceptions existent (location-gérance, interruption pour maladie, travaux…), mais elles sont encadrées par la jurisprudence.

Le renouvellement au bénéfice du cessionnaire

Lorsqu’un locataire cède son bail ou son fonds, le cessionnaire peut se prévaloir du droit au renouvellement dans certains cas :

  • Si la cession du fonds de commerce intervient dans les six premières années du bail, le droit est transféré automatiquement.

  • Si la cession intervient dans les trois dernières années, le droit au renouvellement n’est maintenu que si le fonds est repris avec continuité d’exploitation. En cas de cession du bail seul, aucune garantie n’est accordée, sauf clause spécifique ou accord exprès du bailleur.

Acceptation ou refus du renouvellement : les options des parties

Côté locataire

Face à une offre de renouvellement, le locataire peut :

  • Refuser : le bail prend fin, sans droit à indemnité ;

  • Accepter expressément ou tacitement : le renouvellement prend effet selon les termes proposés ;

  • Accepter mais contester le loyer : un désaccord sur le montant conduit à une phase de négociation, ou à une saisine du juge des loyers commerciaux.

Côté bailleur

Le bailleur peut répondre favorablement ou refuser le renouvellement :

  • Sans motif grave : il devra verser une indemnité d’éviction correspondant à la valeur du fonds, aux frais de réinstallation, aux pertes d’exploitation, etc.

  • Avec motif grave et légitime : il peut refuser sans indemnité, à condition de le justifier (impayés, manquement contractuel, modification de l’usage des lieux…).

Le bailleur peut également exercer un droit de repentir à tout moment de la procédure, tant que le locataire n’a pas quitté les lieux ou signé ailleurs.

Renouvellement ou prolongation : quelles différences juridiques et financières ?

Nouveau bail

Un renouvellement formalisé donne naissance à un nouveau contrat de bail de 9 ans. Il peut reprendre les clauses précédentes ou en intégrer de nouvelles (loyer, travaux, charges, affectation…).

Le nouveau loyer est, en principe, plafonné selon les indices (ILC/ILAT). Toutefois, un déplafonnement est possible si :

  • Le bail a duré plus de 12 ans (notamment en cas de tacite prolongation longue) ;

  • Il y a eu une modification notable des conditions de jouissance.

Tacite prolongation

Dans ce cas, le bail initial reste en vigueur, mais pour une durée indéterminée. C’est un régime de transition, plus risqué :

  • Le locataire peut être évincé avec un simple congé de six mois ;

  • Le bailleur peut déplafonner le loyer à tout moment si la prolongation excède 12 ans ;

  • En cas de cession, le cessionnaire n’a aucune garantie de renouvellement sans accord préalable.

Refus de renouvellement : motifs, conséquences et droit de priorité

Un bailleur peut refuser le renouvellement dans plusieurs cas, avec ou sans indemnité :

  • Pour motif grave et légitime (article L. 145-17) : comportement fautif, violation des clauses, sous-location irrégulière, cessation d’activité, etc. Le bailleur doit mettre en demeure le locataire avant toute action.

  • Pour cause de démolition ou insalubrité : si l’immeuble est voué à la reconstruction ou déclaré insalubre, aucun renouvellement n’est dû.

  • Dans le cadre d’une reprise (articles L. 145-18 et suivants) : pour habiter, reconstruire, surélever, ou réaffecter un logement vacant, selon des conditions strictes.

Dans certains cas, le locataire dispose d’un droit de priorité pour occuper les locaux reconstruits. Il doit alors notifier son intention dans les trois mois suivant son départ, et se tenir disponible pour un relogement futur.

Le renouvellement du bail commercial est un mécanisme essentiel de sécurité juridique et de valorisation économique pour les exploitants comme pour les propriétaires. Son bon déroulement suppose une maîtrise rigoureuse du calendrier, des conditions légales et des droits respectifs. Face à la complexité croissante des régimes applicables, un accompagnement professionnel devient indispensable, notamment dans le cadre de cessions, de restructurations ou de stratégies patrimoniales.

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