Droit de préemption commercial : vers l’extension aux cessions de parts sociales et actions ?
Le droit de préemption commercial, dont l’objectif est de permettre aux communes de préserver et orienter l’implantation de commerces et artisanats de proximité, pourrait s’ouvrir aux cessions de parts sociales ou d’actions de sociétés détenant des fonds de commerce, baux ou locaux commerciaux. Cette évolution promet de modifier en profondeur certains montages juridiques et requiert un éclairage détaillé.
Rappel du cadre légal actuel
Le droit de préemption commercial — champ d’application
Instauré notamment par la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, le droit de préemption commercial permet à une commune, dans un périmètre délimité dit « périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité », de préempter :
des baux commerciaux ou artisanaux ; (CCI Aix-Marseille-Provence)
des terrains destinés à l’activité commerciale dans certaines conditions. (CCI Aix-Marseille-Provence)
L’objectif : soutenir l’artisanat, le commerce indépendant, empêcher l’installation d’activités inadaptées ou la disparition de l’offre de proximité.
Le droit de préemption urbain (DPU) et les parts de SCI
Dans un registre voisin, le droit de préemption urbain (DPU) permet à la collectivité de préempter un bien immobilier ou certains droits sociaux lorsque le bien est situé dans une zone définie.
En particulier, depuis la loi loi Alur du 24 mars 2014, les cessions de la majorité des parts d’une SCI (ou cessions conduisant à la majorité) peuvent être soumises au DPU lorsque la SCI détient une « unité foncière ».
Par exemple :
la SCI doit détenir un bien formant une « unité foncière » (parcelles contiguës ou même un lot isolé dans certains cas) pour que le DPU puisse s’appliquer. (LEXplicite)
une cession inférieure à 50 % des parts ou ne conduisant pas à la majorité n’est pas soumise. (Chambre Gironde Notaires)
les SCI dites « familiales » (entre parents et alliés jusqu’au 4ᵉ degré) sont souvent exclues. (EUROJURIS FRANCE)
Pourquoi cette proposition d’extension ?
Le constat d’un « vide juridique »
Le régime du droit de préemption commercial ne vise actuellement que directement les cessions de fonds, de baux ou de terrains ; il n’inclut pas expressément les cessions de parts ou d’actions de sociétés détenant ces actifs.
Or, dans la pratique, un transfert de contrôle d’une société immobilière ou commerciale peut avoir le même effet économique qu’une cession de fonds ou d’activité. Le dispositif apparaît donc inadapté à certains montages et pourrait être contourné.
L’objet de la proposition de loi n° 7 (2025-2026)
La Proposition de loi n° 7 déposée au Sénat le 3 octobre 2025 par Marie‑Do Aeschlimann vise à combler cette lacune.
Selon l’article unique :
Le droit de préemption commercial pourrait s’exercer « à l’occasion de toute cession de parts sociales ou de titres ayant pour effet direct ou indirect de transférer le contrôle d’une société » dont l’actif principal est constitué :
de locaux à usage commercial ou artisanal ;
ou d’un fonds de commerce ou fonds artisanal ;
ou d’un bail commercial ou artisanal.
Une clause de compensation financière pour les collectivités et l’État est prévue en cas d’impact sur les dotations ou recettes.
Impacts pratiques et enjeux pour les acteurs
Pour les collectivités territoriales
Renforcer leur capacité à préserver les dynamiques commerciales locales, en « atteignant » non seulement la vente d’un fonds ou bail mais aussi le montage via acquisition de parts.
Cela pourrait limiter les opérations « dérivées » par lesquelles un fonds ou bail change de contrôle sans aliénation classique.
Nécessité d’actualiser les procédures (déclaration d’intention d’aliéner, périmètres de préemption, coordination avec les chambres consulaires) pour prendre en compte ces opérations de titres.
Pour les commerçants, bailleurs ou cédants
Accroître la vigilance quant à la structuration des sociétés détenant l’actif commercial ou artisanal : SCI, SAS, SARL…
En cas de cession de parts majoritaires : possible « préemption communale » nouvelle, nécessitant d’anticiper la purge du droit ou négocier avec la collectivité.
Le dispositif introduit une incertitude supplémentaire sur les opérations de transmission d’entreprise ou d’immobilier commercial.
Les modalités d’évaluation des titres, la qualification de l’actif principal, la rédaction de la déclaration d’intention d’aliéner pourraient devenir plus complexes.
Pour les investisseurs et sociétés immobilières/commerciales
Les montages visant à céder une société détenant un bail ou un fonds doivent intégrer un risque nouveau de préemption.
Il convient d’auditer la composition de l’actif : est-ce que l’actif principal est un bail ou fonds ? Quel est le contrôle de la société après cession ?
Les cessions désormais pourraient nécessiter un accompagnement renforcé pour sécuriser la purge du droit de préemption ou négocier avec la commune.
Limites, conditions et incertitudes
Champ d’application soumis à conditions
Même pour le DPU, l’application aux parts de SCI repose sur conditions strictes (unité foncière, majorité des parts, exclusion des SCI familiales).
Pour la préemption commerciale étendue, il faudra que le texte final précise :
ce qu’on entend par « actif principal » de la société ;
quelles cessions de titres sont visées (controlership, majorité, seuils) ;
quelle sera la procédure de déclaration, de délai, de fixation du prix.
Risque de contentieux et incertitude juridique
L’introduction d’un droit nouveau peut donner lieu à des recours sur la motivation, l’évaluation, la proportionnalité de l’intervention publique.
Certains acteurs pourraient arguer que la cession de titres n’est pas une aliénation d’actifs commerciaux/baux mais une mutation de contrôle, question déjà discutée pour le DPU.
Une possible charge administrative accrue pour les cédants et cessions.
Calendrier et mise en œuvre
À ce jour, la proposition est en cours de lecture. Son adoption n’est pas garantie et des amendements ou retards peuvent intervenir.
Les collectivités devront calibrer leurs outils (périmètres, procédures, formulaires) pour intégrer cette nouvelle éventualité.
Conseils pratiques pour les professionnels et cédants
Anticiper dès la phase de structuration
Identifier si la société détient bien un « actif principal commercial ou artisanal ».
Lors de la négociation d’une cession de parts majoritaires : vérifier si la commune est titulaire d’un droit de préemption ou s’il existe un périmètre de sauvegarde du commerce actif.
Prévoir un audit du droit de préemption applicable (commercial ou urbain) et purger le cas échéant la déclaration d’intention d’aliéner (DIA).
Vérifier les délais et formalités
Si la cession est soumise au droit de préemption commercial étendu : vérifier la déclaration, le prix, le délai de réponse de la collectivité.
En parallèle, pour les cessions de parts relevant du DPU : bien respecter les règles (ex : cession de la majorité, unité foncière, exclusion SCI familiale).
Dialogue avec la collectivité et négociation
Une bonne communication avec la commune peut éviter un recours à la préemption.
Lors de la cession : envisager des garanties ou clauses de reprise si la commune préempte.
Pour les collectivités : impliquer les chambres de commerce, les artisans pour définir les périmètres stratégiques.
Conclusion
Le droit de préemption commercial demeure un levier essentiel pour les communes souhaitant préserver le dynamisme économique local. Son éventuelle extension aux cessions de parts sociales ou d’actions renforcerait encore le contrôle public sur les mutations commerciales et immobilières — mais aussi la complexité des opérations pour les acteurs privés.
Dans ce contexte, anticiper et sécuriser chaque étape de votre projet immobilier ou commercial devient indispensable.
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