Tout savoir sur l’encadrement des loyers commerciaux
Le sujet de l’encadrement des loyers commerciaux suscite un intérêt croissant, notamment dans les grandes villes en quête de dynamisme territorial. Dans un contexte de pression foncière et de fragilité pour de nombreux commerces de proximité, la question est posée : doit‑on limiter légalement les hausses de loyers commerciaux ? Cet article présente les fondements juridiques, les mécanismes actuels de modération, ainsi que les forces et faiblesses de l’encadrement aujourd’hui.
Fondements juridiques du loyer commercial et des mécanismes d’encadrement
Le statut des baux commerciaux, liberté contractuelle et protection limitée
Le bail commercial est régi par le Code de commerce, notamment les articles L. 145‑1 à L. 145‑60. Lors de la conclusion du bail, les parties ont une grande liberté pour fixer le montant du loyer, la périodicité de paiement et les modalités. La référence retenue est souvent la valeur locative du local commercial, appréciée selon des critères multiples (emplacement, surface, équipements, flux clients, facteurs locaux de commercialité). Contrairement aux loyers d’habitation, il n’existe pas de barème légal obligatoire pour les loyers de départ en matière commerciale.
Cependant, à certaines échéances (révision triennale, renouvellement du bail), des limitations légales interviennent afin de tempérer les hausses abusives.
Révision triennale et indexation : les limites légales
Le bail commercial prévoit une révision triennale légale, codifiée aux articles L. 145‑38 et suivants. Cette révision ne peut intervenir qu’au bout d’un délai d’au moins trois ans depuis la prise de possession. Le montant résultant de cette révision est calculé selon un indice de référence : pour les activités commerciales ou artisanales, l’Indice des Loyers Commerciaux (ILC) ; pour les activités tertiaires, l’Indice des Loyers des Activités Tertiaires (ILAT). Dans les nouveaux baux ou renouvellements depuis 2014, l’ancienne référence à l’indice du coût de la construction (ICC) ne peut plus servir de base légale à la révision, sauf clause d’échelle mobile expressément prévue.
La variation de loyer ne peut dépasser la variation de l’ILC ou de l’ILAT, ce qu’on appelle le plafonnement légal. Toutefois, ce plafonnement ne fait pas obstacle au déplafonnement dans certaines situations (travaux valorisants, modification des facteurs locaux de commercialité, changement d’activité, durée particulière du bail). Par exemple, si un bail a été tacitement reconduit au-delà de 12 ans, le nouveau loyer ne peut être contraint par le plafonnement. De même, une augmentation sensible de la demande locale ou des infrastructures peut justifier un déplafonnement. Enfin, si la valeur locative est inférieure au loyer en cours, le plafonnement ne s’applique pas – le loyer peut être fixé à la valeur locative.
Lors du renouvellement du bail, l’article L. 145‑34 institue également un plafonnement : le loyer renouvelé ne peut excéder la variation de l’ILC comparativement au loyer en cours, sauf exceptions (durée, nature du bail, changement de clause). Si la valeur locative est inférieure, c’est cette valeur qui sert de référence.
Dispositifs récents : expérimentation d’un encadrement local (loi Climat & Résilience)
Plus récemment, la loi Climat et Résilience a introduit la possibilité d’un encadrement des loyers commerciaux dans certaines zones géographiques tendues. Il ne s’agit pas à ce jour d’un encadrement généralisé, mais d’une expérimentation réservée à des territoires définis par décret, dans le but d’éviter des hausses excessives dans les zones où la tension immobilière est particulièrement forte. Ce nouveau dispositif pourrait ouvrir la voie à une régulation plus systématique du marché.
État des lieux : les controverses, les pratiques et les enjeux
Elles jouent sur l’équilibre entre bailleurs et commerçants
L’argument souvent avancé en faveur d’un encadrement est le constat d’une pression excessive des loyers pour des commerces fragilisés. Dans les villes comme Lyon ou Bordeaux, des élus souhaitent expérimenter l’encadrement afin de redonner des marges aux commerçants et préserver la diversité des commerces. Plusieurs fédérations de commerçants soutiennent cette mesure, affirmant que certains bailleurs maintiennent des loyers très élevés, parfois en gardant les locaux vacants plutôt que d’accepter une baisse.
À l’inverse, les représentants des bailleurs dénoncent une atteinte à la liberté contractuelle. Ils redoutent que l’encadrement réduise l’attractivité de l’investissement immobilier commercial, incite à la raréfaction de l’offre, ou pousse les propriétaires à moins entretenir leurs locaux. Les opposants rappellent que le bailleur a intérêt à préserver son locataire viable, puisqu’un local vide ne génère aucun revenu.
Limites de l’encadrement existant : contournements et application inégale
Même où un encadrement local pourrait s’appliquer, des pratiques de contournement sont possibles (baux civils déguisés, clauses complexes, compléments de loyers) pour échapper aux limites imposées. D’après certaines études, un tiers des annonces dans les zones concernées excéderaient les plafonds autorisés. En outre, la mise en œuvre reste conditionnée à des décrets et procédures administratives, ce qui ralentit l’application durable.
De plus, le plafonnement de l’ILC pour les TPE/PME (3,5 % maximum de variation annuelle) est une mesure temporaire qui doit peu à peu s’éteindre (jusqu’au 31 mars 2024) selon les textes actuels.
Perspectives et débats : vers une régulation renforcée ?
Selon une mission parlementaire rendue publique fin septembre 2025, l’encadrement des loyers (pour le secteur résidentiel) est jugé « vertueux » et les rapporteurs proposent de le pérenniser, de simplifier l’accès pour les communes et de durcir les sanctions en cas de non‑respect. Bien que ce rapport porte essentiellement sur les loyers d’habitation, il traduit un climat politique favorable au renforcement des régulations immobilières.
Dans le domaine commercial, l’extension d’un encadrement plus systématique demeure discutée. Les enjeux sont nombreux : garantir l’équilibre du tissu commercial, éviter la concentration des enseignes nationales, préserver l’attractivité des centres-villes, sans décourager l’investissement privé. Le dispositif de la loi Climat et Résilience pourrait servir de « laboratoire » pour évaluer les impacts avant une généralisation éventuelle.
Conseils pratiques pour bailleurs, preneurs et professionnels
Pour les commerçants / preneurs
Lors de la négociation initiale du bail, insistez pour obtenir une clause d’indexation comprenant l’ILC ou l’ILAT, et vérifiez les conditions de révision triennale. Même en l’absence d’un encadrement local, une négociation rigoureuse est essentielle. En cas de révision triennale, surveillez attentivement la formule et les indices utilisés. Si le bailleur cherche un déplafonnement, demandez des justifications tangibles (travaux, évolution du marché local, changement d’activité). En cas de désaccord, recourir au tribunal compétent peut être nécessaire.
Pour les bailleurs / propriétaires
Au moment du renouvellement du bail ou d’une proposition de revalorisation, veillez à ce que la demande respecte le plafonnement si les conditions l’imposent. Lorsque vous envisagez des travaux importants, étudiez leur impact sur la valeur locative pour justifier un éventuel déplafonnement. Évitez les clauses obscures ou abusives susceptibles d’être contestées. Enfin, dans les territoires susceptibles d’expérimentation (zones tendues) surveillez les décrets à venir pour anticiper de nouvelles obligations.
Pour l’agence immobilière ou conseil
Lorsque vous accompagnez vos clients, tenez-les informés des dispositifs légaux en vigueur (plafonnement, déplafonnement, nouveaux textes) et des évolutions possibles. Proposez des simulations de loyer futur selon les indices. Mettez en valeur la sécurisation du bail pour le preneur et la valorisation du local pour le bailleur, dans un équilibre contractuel transparent.
Conclusion
L’encadrement des loyers commerciaux demeure un sujet sensible, oscillant entre la nécessité de protéger les commerces de proximité et le respect de la liberté contractuelle dans le secteur immobilier. Sur la base des textes en vigueur (révision triennale, plafonnement, déplafonnement) et de l’expérimentation introduite par la loi Climat et Résilience, le cadre juridique existe, mais ses limites pratiques sont encore nombreuses. Le débat reste ouvert, dans un contexte de tensions économiques et immobilières.
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